L’arrêt du moteur F1 de Renault est officiel. Les salariés de Viry-Châtillon se préparent à une réallocation vers d’autres projets, mais la F1 leur échappe
Ce qui devait arriver, arriva… Renault a officiellement confirmé l’arrêt de la production de ses moteurs de Formule 1 à Viry-Châtillon à compter de 2026, marquant ainsi la fin d’une aventure qui aura duré près de 50 ans dans l’élite du sport automobile. Cette décision, redoutée depuis plusieurs mois, bouleverse l’avenir de l’équipe Alpine et laisse entrevoir un avenir sans les moteurs français sur la grille de départ de la F1.
Depuis son entrée en Formule 1 en 1977 avec le célèbre V6 turbo, Renault a été l’un des piliers de la discipline, enchaînant les succès et les titres mondiaux avec des écuries comme Williams, Benetton, et plus récemment Red Bull. Mais à partir de 2026, Alpine roulera avec des moteurs fournis par la concurrence, rejoignant ainsi le modèle d’équipes comme McLaren, Haas ou Williams. Une page se tourne pour Renault, qui avait tenté de revenir au premier plan depuis 2016 avec des ambitions renouvelées en tant que constructeur sous la marque Alpine.
Malgré l’héritage prestigieux du motoriste français, dont les 12 titres mondiaux en tant que fournisseur de moteurs, la décision de tourner la page a été officialisée lors du comité social et économique (CSE) de Renault. Si les activités d’endurance et de compétition client, ainsi que les programmes liés au Rally-Raid et à la Formule E, vont se poursuivre, c’est bien la fin du programme F1 à Viry qui marque un tournant décisif pour la marque.
L’annonce de l’arrêt du programme F1 a laissé les 334 salariés de Viry-Châtillon dans l’incompréhension. Pour ces ingénieurs et techniciens qui ont fait du développement des moteurs de F1 leur mission, la décision est une trahison de leurs ambitions. « Nombre d’ingénieurs sont venus ici pour le programme F1, » déclaraient récemment des salariés lors de manifestations. Cette frustration se traduit par une crainte palpable de la « fuite des cerveaux », une expression utilisée pour évoquer le départ massif de talents vers des concurrents comme Ferrari, dont le patron, Fred Vasseur, mentionnait récemment que sa boîte mail « débordait de CV venus de France. »
Les mobilisations des dernières semaines n’auront donc pas suffi à inverser la tendance, malgré les efforts des salariés et des élus locaux. Lors de la manifestation à Monza, certains employés avaient même exprimé leur colère face à la perspective d’un abandon du moteur F1 et de la perte de savoir-faire associée à cette technologie unique en France. « C’est un gâchis industriel et humain, » affirment-ils.
La direction de Renault a tout de même cherché à rassurer sur l’avenir du site de Viry-Châtillon. Dès fin 2024, le site sera transformé en un « centre d’excellence en ingénierie et haute technologie, » rebaptisé Hypertech Alpine. Ce nouveau centre se concentrera sur des projets d’avenir pour le groupe Renault, tels que le développement de la future supercar Alpine, la recherche sur les nouvelles technologies de batteries solides et les moteurs électriques. Toutefois, cette transformation ne masque pas le profond malaise ressenti par les employés concernés, pour qui le moteur F1 représentait bien plus qu’une simple activité.
Si la direction a promis qu’« aucun emploi ne serait supprimé » et que chaque salarié se verrait proposer un poste au sein de ce nouveau centre, l’incertitude demeure. « La F1, c’est ce qui nous motive, ce qui nous anime, » confiait un ingénieur récemment. Le déplacement vers des projets de mobilité électrique, bien que stratégique pour l’avenir de Renault, ne satisfait pas pleinement ces spécialistes de la compétition automobile.
En réponse aux inquiétudes des salariés, Alpine a annoncé la création d’une cellule de veille dédiée à la F1, qui vise à « conserver les compétences et la connaissance » sur cette discipline tout en assurant une veille technologique continue. L’objectif est de maintenir une certaine expertise technique pour garantir que Renault ne perde pas totalement son lien avec le monde de la F1, même après l’arrêt de la production des moteurs. Néanmoins, cette initiative semble insuffisante aux yeux de nombreux employés, qui voient là une tentative de sauver les apparences sans réelle volonté de s’investir dans le développement futur de la F1.
Le communiqué final de la direction d’Alpine souligne l’engagement de Renault à rester un acteur clé de la mobilité de demain. « Le futur centre d’excellence Hypertech Alpine » débutera ses activités dès fin 2024, avec une promesse d’innovation et de haute technologie. Cependant, pour les passionnés de F1, et surtout pour les employés de Viry-Châtillon, cette transformation représente avant tout la fin d’une aventure humaine et technologique qui aura marqué l’histoire du sport automobile.
🔴 Le site de Viry-Châtillon deviendra le centre Hypertech Alpine
— Collectif Alpine (@CollectifAlpine) September 30, 2024
C’est désormais ici que les projets d’avenir du Groupe Renault, de développement de l’Endurance, du Dakar et d’une Supercar Alpine auront lieu#Alpine #Mercedes pic.twitter.com/NTHPGbhznX