En 2014, la F1 perdait Jules Bianchi dans un accident tragique. Dix ans plus tard, retour sur les changements opérés et les dangers qui persistent encore
Le 5 octobre 2014, lors du Grand Prix du Japon, le monde de la Formule 1 a été bouleversé par un accident tragique. Jules Bianchi, jeune espoir français, perdait le contrôle de sa Marussia sur une piste détrempée et percutait une grue en bordure de circuit. Sa blessure à la tête fut immédiatement critique, et neuf mois plus tard, Bianchi succombait à ses blessures à l’âge de 25 ans. Dix ans plus tard, alors que la F1 a fait des progrès significatifs en matière de sécurité, la question persiste : la discipline a-t-elle réellement tiré toutes les leçons de cette tragédie ?
L’accident de Bianchi reste gravé dans les mémoires comme l’un des moments les plus sombres de l’histoire moderne de la F1. Ce qui rend cet incident encore plus poignant, c’est la chaîne d’événements qui l’a précédé. Un tour avant l’accident, Adrian Sutil avait perdu le contrôle de sa Sauber au même endroit. Alors que les conditions météo devenaient de plus en plus dangereuses, une grue avait été déployée pour dégager la monoplace de Sutil sous un régime de double drapeau jaune. En arrivant au même virage, Bianchi est sorti de piste et a percuté la grue avec une violence inouïe.
À l’époque, la FIA a mené une enquête approfondie. Le rapport a souligné que Bianchi n’avait pas suffisamment ralenti sous drapeau jaune, mais la critique principale visait l’absence d’un système de limitation de vitesse dans de telles situations. Le drapeau jaune, qui implique une réduction de la vitesse, n’avait pas suffi à prévenir un accident aussi tragique. C’est ce constat qui a poussé la FIA à introduire rapidement une série de mesures pour améliorer la sécurité.
Dès 2015, la Formule 1 a introduit le Virtual Safety Car (VSC), un système permettant d’imposer une vitesse maximale dans les zones dangereuses lorsque des incidents surviennent sur la piste. Ce mécanisme, utilisé pour la première fois à Monaco, visait à prévenir des situations similaires à celles rencontrées par Bianchi. Depuis, le VSC a joué un rôle essentiel dans plusieurs courses, assurant que les pilotes réduisent leur vitesse de manière significative sans compromettre la fluidité des épreuves.
Une autre mesure clé issue de l’accident de Bianchi est le halo, un dispositif de protection du cockpit conçu pour protéger la tête des pilotes des débris ou des impacts directs. Bien que le halo n’aurait pas sauvé Bianchi, selon les experts de la FIA, il a depuis prouvé son efficacité dans de nombreux incidents, notamment lors de l’accident spectaculaire de Romain Grosjean à Bahreïn en 2020, où le halo a probablement sauvé sa vie.
Si la Formule 1 a amélioré la sécurité avec des dispositifs technologiques comme le halo et le VSC, la gestion des courses dans des conditions de pluie reste un point sensible. L’accident de Bianchi s’est produit sous une pluie battante, où la visibilité était très réduite et l’adhérence compromise. Cela rappelle l’importance de décisions stratégiques concernant le calendrier des courses, notamment l’idée de revoir les dates pour éviter la saison des pluies, comme cela avait été recommandé par l’enquête de la FIA.
Cependant, même après dix ans, les conditions humides continuent de provoquer des situations périlleuses. En 2022, lors du Grand Prix du Japon, une fois encore, des conditions de pluie intenses ont failli mener à une nouvelle tragédie lorsqu’une dépanneuse a été aperçue sur la piste alors que Pierre Gasly arrivait à grande vitesse. Le souvenir de Bianchi a immédiatement resurgi, poussant à de nouvelles réflexions sur la sécurité en cas de fortes pluies. Des tests pour réduire les projections d’eau, comme des déflecteurs, ont été effectués sans succès, soulignant la difficulté à apporter des réponses durables à ces risques.
L’accident de Bianchi a aussi mis en lumière un aspect souvent négligé : la sécurité des commissaires et du personnel sur la piste. L’idée que des grues ou des véhicules puissent être présents sur la piste lors d’une course a provoqué de nombreuses controverses. La FIA avait reconnu en 2014 qu’il était « impératif d’empêcher qu’une voiture ne puisse entrer en contact avec une dépanneuse ».
Pourtant, des incidents impliquant des commissaires ont continué d’émailler les années suivantes. En 2019 à Monaco, Sergio Perez a évité de justesse deux commissaires traversant la piste sous Safety Car. En 2020, à Imola, Lance Stroll a frôlé des commissaires qui étaient en train de dégager la piste. Ces incidents rappellent qu’en dépit des progrès réalisés, les risques pour ceux qui assurent la sécurité des courses restent préoccupants.
Peut-on éviter une autre tragédie ?
La Formule 1 d’aujourd’hui est indéniablement plus sûre qu’elle ne l’était en 2014, et une grande partie de ces améliorations est directement liée aux leçons tirées de l’accident de Jules Bianchi. Le halo, le Virtual Safety Car, les réformes concernant la gestion des accidents et les essais de technologies pour réduire les projections en cas de pluie sont des exemples concrets des efforts déployés pour protéger les pilotes.
Cependant, des accidents récents comme ceux d’Anthoine Hubert en 2019 à Spa ou de Dilano van ‘t Hoff en 2023 montrent que les risques mortels existent toujours, même avec des dispositifs de sécurité modernes. Ces tragédies rappellent que la sécurité est un processus en constante évolution, et que le danger fait partie intégrante de ce sport.
Dix ans après, l’héritage de Jules Bianchi dans le monde de la F1 est indélébile. Bien au-delà des dispositifs de sécurité introduits à la suite de son accident, sa mémoire inspire la vigilance continue nécessaire pour améliorer la sécurité dans ce sport à haut risque. Le chemin parcouru depuis 2014 est considérable, mais il serait imprudent de considérer que toutes les leçons ont été tirées. La quête de la sécurité dans le sport automobile est sans fin, et elle le restera tant qu’il existera un risque.
En honorant la mémoire de Bianchi, la F1 rappelle à tous qu’il est crucial de continuer à protéger ceux qui font la beauté de ce sport, tout en gardant à l’esprit que les dangers, eux, ne disparaîtront jamais totalement.
Forza Jules ❤️
— Formula 1 (@F1) October 5, 2024
Remembering Jules Bianchi 10 years on from the 2014 Japanese Grand Prix pic.twitter.com/DjOR2V4dOw