La crise entre Hamilton et Ferrari est plus profonde qu’il n’y paraît

Ferrari découvre la complexité d’intégrer Hamilton. Le Britannique peine à trouver ses marques dans une équipe qui n’est pas bâtie pour lui

Le malaise entre Lewis Hamilton et la Scuderia Ferrari est bien plus qu’une simple série de mauvais résultats. Il s’agit d’une crise profonde qui touche aux fondements de la psychologie et de l’ADN d’une équipe mythique. Une collision entre un pilote d’exception et une institution qui peine à se plier à ses méthodes.

Le septuple champion du monde peine à trouver ses marques dans sa nouvelle demeure. Le début de la saison 2025 est un chemin de croix : aucun podium en Grand Prix, une unique et maigre victoire lors du sprint en Chine, et des mots d’une rare violence après le Grand Prix de Hongrie. Frustré par sa performance, Hamilton s’est qualifié de « complètement inutile », allant jusqu’à suggérer que l’équipe devrait le remplacer.

Ces paroles, inhabituelles pour un maître de la communication, ont surpris les observateurs. Vicky Piria, pilote automobile italienne, analyse pour la Gazzetta dello Sport : « C’est surprenant d’entendre de telles déclarations car Lewis est un grand communicant. Il est toujours très attentif aux mots, sans cacher ses émotions. »

La transition s’avère d’une complexité sous-estimée, même par le directeur de l’équipe, Fred Vasseur. Après près de deux décennies dans l’écosystème McLaren-Mercedes, Hamilton doit assimiler une nouvelle culture, une philosophie technique et des méthodes de travail radicalement différentes.

Selon Vicky Piria, la source du problème est claire : « Peut-être a-t-il sous-estimé le changement d’équipe parce qu’il a rejoint une équipe qui n’est pas construite autour de lui. Il n’a aucun contact ou relation établi depuis des années. » Elle ajoute qu’il vit « un moment de grand découragement », tout en précisant : « Je ne pense pas qu’il soit démotivé, il veut gagner. Lewis a besoin de plus de temps pour s’adapter dans une F1 qui change constamment de week-end en week-end. »

Quand la machine résiste

Au cœur du défi se trouve la monoplace elle-même. La SF-25 est réputée comme l’une des voitures les plus exigeantes de la grille. Hamilton a dû fournir des rapports détaillés aux ingénieurs sur des éléments aussi fondamentaux que sa position de conduite, la configuration des pédales ou la gestion du frein moteur. Ce sont des automatismes qu’il maîtrisait instinctivement, mais qui ne trouvent pas encore leur équivalent chez Ferrari.

Le pilote britannique doit composer avec des réglages contre-intuitifs pour son style, notamment un train avant très rigide qui génère du sous-virage. Pour compenser, il est contraint d’utiliser des charges aérodynamiques inhabituelles, rendant la voiture plus instable. C’est un cercle vicieux pour un pilote dont le pilotage repose sur la précision et la confiance.

Les progrès sont lents mais perceptibles. À Bahreïn, remontant de la neuvième à la cinquième place, Hamilton confiait avoir enfin commencé à comprendre ce que la Ferrari « aime », tout en admettant qu’une marge de progression considérable subsistait.

Les statistiques confirment cette difficile adaptation. En qualifications, Hamilton accuse en moyenne un retard de 0,169 seconde sur son coéquipier Charles Leclerc, ce qui le place au cinquième rang des plus grands écarts sur la grille. Un comble pour celui qui détient le record absolu de pole positions.

Toutefois, une analyse plus fine révèle une tendance à la réduction de cet écart au fil des courses, une dynamique positive seulement interrompue par les week-ends cauchemardesques de Spa et du Hungaroring.

Loin de baisser les bras, Hamilton s’investit corps et âme pour faire évoluer la Scuderia. Il multiplie les réunions transversales à l’usine de Maranello et rédige des rapports techniques pour affiner non seulement le châssis, mais aussi l’organisation interne.

Mais cet effort se heurte parfois à la culture même de l’équipe. Vicky Piria pointe une faiblesse systémique dans la communication de Ferrari, citant en exemple un incident récent avec Leclerc : « De temps en temps, il semble que Ferrari, en essayant de se protéger et de protéger ses pilotes, finisse par créer plus d’agitation interne dans des situations déjà délicates. S’ils avaient communiqué plus directement sur le type de problème survenu sur la voiture de Leclerc en Hongrie, par exemple, cela n’aurait probablement pas créé tout ce bruit. »

Ce qui se joue actuellement chez Ferrari est donc bien plus qu’une saison ratée. C’est la collision entre un système de pensée et un style de pilotage, entre les méthodes d’un champion et la culture d’une institution. Pour l’instant, ce mariage est instable mais on verra ce que l’avenir leur réserve.

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